Les élections régionales approchent, et une fois encore, je n’irai pas voter.
Et pourquoi donc ? Parce que je n’en ai pas le droit. Et oui, j’habite en France depuis plus de neuf ans maintenant, mais je suis toujours Belge, et je n’ai donc pas le droit de voter, ce qui me fait enrager.
Tout d’abord, il faut noter que cet état de fait est, me semble-t-il, général. Je n’ai pas connaissance d’une démocratie dans le monde qui autorise ses résidents étrangers à voter. Cela inclut bien sûr la Belgique, qui souffre du même déficit démocratique que la France. Pas question de me plaindre d’un manque de réciprocité. Là n’est pas le problème.
Ça n’est pas tout à fait exact cependant. Au sein de l’Union Européenne, les membres de l’Union ont le droit de voter dans le pays où ils résident, mais uniquement aux élections européennes, et aux élections locales (municipales en France, communales en Belgique). Certains pays (dont la Belgique, mais pas la France), accordent le droit de vote aux élections locales à tous les étrangers, même non résidents de l’UE. Cela signifie donc qu’on considère à présent qu’il est normal qu’un résident prenne part aux choix concernant les ronds-points de sa commune, ses crèches, l’école primaire que fréquente ses enfants, ses logements sociaux. En revanche, pas question pour lui d’avoir son mot à dire sur la politique de transport, la politique économique et sociale, la justice, ni même sur le collège et le lycée que fréquentent ses enfants.
Il y a donc deux classes de citoyens en France. Tous ont les mêmes devoirs (respecter la loi, payer ses impôts et ses charges sociales, répondre de ses actes devant la justice), mais tous n’ont pas les mêmes droits.
Pourquoi est-ce ainsi ? Je n’ai pas trouvé de réponse satisfaisante. L’explication est à mon avis historique: les fondements de la démocratie ont été établis lorsque la mobilité était quasi inexistante. On naissait quelque part, et on y restait jusqu’à la fin de sa vie. A l’heure où la mondialisation, l’Europe et la mobilité sont sur toutes les lèvres, il serait temps à mon avis d’accorder les principes démocratiques avec la réalité.
J’ai bon espoir cependant. Le droit de vote a fini par être accordé aux pauvres, puis aux femmes, puis aux SDF. L’histoire finira par l’accorder aux étrangers.
Aidons-là un peu, et examinons les arguments contre une telle évolution.
C’est normal que tu ne puisses pas voter. Tu n’es pas citoyen français.
Si la citoyenneté se résumait à la nationalité, je serais d’accord. Wikipedia décrit la citoyenneté par ces mots :
La citoyenneté est le fait pour une personne, pour une famille ou pour un groupe, d’être reconnu comme membre d’une cité (aujourd’hui d’un État) nourrissant un projet commun et qu’ils souhaitent y prendre une part active. La citoyenneté comporte des droits civils et politiques, et des devoirs définissant le rôle du citoyen dans la cité et face aux institutions. Au sens juridique, c’est un principe de légitimité : un citoyen est un sujet de droit.
Il me semble que cette définition s’applique parfaitement à ma situation, hormis justement cette absence de droit de vote. Elle ne s’applique par contre pas à de nombreux Français qui ont pourtant le droit de vote, mais qui, en s’évadant fiscalement, refusent de prendre une part active au projet commun.
Pourquoi t’accorder le droit de vote alors que tu peux retourner en Belgique dès que tu veux ?
N’importe quel Français peut également aller vivre en Belgique dès qu’il le veut. Par ailleurs, refuse-t-on à un Français d’origine bretonne le droit de vote aux régionales d’Ile-de-France s’il y réside ? Pourquoi alors refuser le droit de vote à un étranger qui a choisi de vivre en France ?
Si tu veux voter en France, pourquoi ne demandes-tu pas la nationalité française ?
C’est sans doute ce que je vais finir par faire si ce droit continue à m’être refusé. Il n’en reste pas moins que le déficit démocratique reste entier. Si demain je partais à Londres, je trouverais logique de voter en Angleterre. Et j’arrêterais bien sûr de voter en France, puisque ce vote n’aurait aucune incidence sur moi. Je ne vote d’ailleurs plus en Belgique depuis que j’habite en France. Cela ne me concerne plus.